Dr Cyrille Cahen

Nous avons la grande tristesse de vous annoncer la mort du Docteur Cyrille CAHEN, Psychiatre, Psychothérapeute  survenue le 6 novembre 2021 à l’âge de 89 an
Le Docteur Cyrille CAHEN est l’un des fondateurs, avec Paul DIEL, de l’ Association de la Psychologie de la Motivation, le 2 juillet 1964.
Il est Président d’honneur de l’Institut de Formation de la Psychologie de la Motivation (IFPM) qu’il a dirigé pendant plusieurs années.

Mais avant de parler de sa vie professionnelle, je souhaite dire tout le respect et toute l’admiration  que nous avons pour l’homme et pour le couple qu’il a formé avec Jane, son épouse qui fut aussi psychothérapeute de la Psychologie de la Motivation.

Les premières études de Cyrille Cahen ne le destinaient pas à la médecine ; il était angliciste et étudiait le chinois. C’est une maladie évolutive de la rétine qui va lui faire perdre la vue et l’empêcher de passer l’agrégation d’anglais.
 
C’est la rencontre avec Paul DIEL qui déterminera son métier; à 28 ans, il commence des études de médecine;  il devient médecin, neuropsychiatre. C’est le titre qui était délivré avant 1968; après cette date, les deux disciplines ont été séparées.

Il fut psychiatre, certes, mais aussi et surtout psychothérapeute. Si le métier de psychiatre s’apprenait à l’université et à l’hôpital, celui de psychothérapeute devait s’apprendre ailleurs, hors de l’université. Il entreprend alors un psycho-analyse avec Paul DIEL, étudie dans le cercle de ses élèves, devient psychothérapeute de la motivation, conférencier et superviseur.

Le métier de psychiatre n’est pas si difficile mais celui de psychothérapeute l’est, car il exige une présence à l’autre particulière, une réflexion permanente, un engagement, et une passion que Cyrille avait.
Il avait un très grand talent pour l’introspection.
Il avait une grande capacité de clairvoyance pour lire le monde intérieur de l’autre.
Privé de vue, il savait aider l’autre à regarder en lui-même sans crainte. C’est un des fondements de la psychothérapie. Il le faisait avec brio.

Il a eu une activité libérale de psychothérapeute dans une orientation de psychothérapie humaniste, dialoguante inspirée de la pensée et de l’oeuvre de DIEL.

Il avait  fondé, le 2 juillet 1964,  avec Paul DIEL, Jane Cahen et d’autres de ses  élèves l’ Association de la Psychologie de la Motivation. C’était  une  période de foisonnement de la pensée psychiatrique, psychothérapique et psychanalytique.
Les luttes entre les groupes de « psy » étaient dures, parfois féroces et impitoyables, les psychanalyses freudiennes et lacaniennes ont fini par dominer et envahir sans partage le champ de la psychothérapie et il n’était pas facile d’être un psychothérapeute, un psycho-analyste pensant différemment.
 
Il l’a fait.

Comme psychothérapeute de l’enfant et de l’adolescent, il a exercé dans un centre médico-psychologique jusqu’à sa retraite.
Il était bon,  très bon; il avait des résultats remarquables, bien qu’il fût dans un milieu professionnel  exclusivement psychanalytique et souvent hostile à d’autres approches. C’était dans les années 1970- 1980, Son efficacité et sa personnalité ont fait qu’il a pu exercer comme il le souhaitait et avec un grand respect et une belle amitié de ses collègues.

J’ai pu le constater par moi-même.

Un de ses thèmes de recherche fut la question de l’école et de l’échec scolaire. Sujet bien difficile  sur lequel, il a écrit des textes importants.   
Sa pensée sur le sujet inspiré de la psychologie introspective des motifs intimes a fait l’objet de deux ouvrages : La tête ailleurs comprendre et maitriser l’échec scolaire en 1991 paru chez Fernand Nathan et Thérapie de l’échec scolaire, paru  en 1996 chez ce même éditeur    

Il m’avait emmené dans son sillage et nous avons animé plusieurs séances de séminaires de formation pour les enseignants de l’Education Nationale, le ministère l’ayant sollicité pour la formation professionnelle d’enseignants. Plusieurs enseignants ont pu témoigner à quel point ses réflexions sont utiles dans la pratique d’un autre métier difficile, celui de professeur.

Il pensait que l’échec scolaire n’est pas une fatalité, que tous les enfants peuvent réussir.

Avec Armen Tarpinian, élève de DIEL et psychothérapeute de la motivation, il a été à l’initiative de la création de l’Institut de Formation de la Psychologie de la Motivation, structure professionnelle  pour former des futurs psychothérapeutes de la motivation.

Il en a été le président durant plusieurs années avant de passer la main, et d’en devenir le président d’honneur.

Il a publié des très nombreux articles dans la Revue de la Psychologie de la Motivation, créée et dirigée par Armen Tarpinian pendant vingt ans.

Il était aussi écrivain et a publié deux romans, des textes poétiques ; il excellait dans les aphorismes.

En tant que superviseur,  il était aimé et apprécié par tous les apprentis psychothérapeutes qui ont écouté sa manière particulière de penser l’être humain et sa manière de trouver des pistes pour mieux dépasser la difficulté à vivre.

Outre le fait qu’il a toujours refusé toute dogmatisation de la pensée, il a pris position pour que la pensée reste toujours vivante et en mouvement. Comme psychothérapeute, il a incarné une des phrase qu’il a faite sienne :  « penser sa vie, vivre sa pensée ».

Je sais qu’il transmettait dans ses enseignements professionnels, l’authenticité nécessaire pour faire ce métier tout en faisant l’éloge du doute.

Ce qui m’a toujours frappé dans son enseignement c’est la manière dont il nourrissait sa réflexion psycho-analytique, de philosophie, amoureux qu’il était de la philosophie  de Spinoza  par exemple, auquel il faisait souvent référence mais aussi d’autres philosophes. Un de nos derniers échanges fut autour de Bachelard.

Il mettait son talent d’introspection au service de l’humain, avec sérieux et humour.
Je me souviens qu’il donnait une place importance à l’humour en psychothérapie…l’humour par rapport à soi-même, nécessaire pour ne pas se prendre trop au sérieux ou plutôt pour pouvoir sérieusement aider l’autre à mieux vivre.

Nous sommes nombreux à avoir aimé son enseignement, son partage, ses interventions à tous les séminaires.

Je me souviens que, lorsqu’il ne prenait pas la parole spontanément, nous aimions la lui donner pour  l’entendre dérouler sa pensée, …ça démarrait, on ne savait pas très bien où il allait, il parlait et puis in fine, un éclairage, une piste…lui savait bien où il voulait nous conduire. C’était un régal.  

Cyrille fut un  formidable passeur d’idées et un fervent défenseur de la liberté de penser, luttant contre les dérives dogmatiques de sa propre école de pensée.

Ce fut un psychothérapeute inspiré et libre, doué d’une capacité introspective remarquable, un bel exemple pour les futurs psychothérapeutes.

Dr Pierre CANOUÏ Président de l’ APM - Paul DIEL

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